F. William Engdahl Geopolitical Author & Lecturer Menu World
Ô Pétrole, où est donc ton pic?

Ô Pétrole, où est donc ton pic?

New Eastern Outlook
9 Octobre, 2015
Traduction par Jean-Maxime Corneille, article exclusif initial pour le magazine en ligne “New Eastern Outlook” 

Il existe deux grands mythes utilisés au cours des dernières années pour convaincre le monde de la catastrophe imminente, si nous ne changeons radicalement notre style de vie dans le sens de l'austérité. Ces deux mythes sont basés sur la fraude scientifique et leur propagation dénuée de sens critique par un courant médiatique « Mainstream » plein de compassion, et même par certains médias alternatifs. Le premier, c’est l'idée que le climat du monde se réchauffe, ou tout du moins « change », du fait presque exclusif de notre présence, de nos émissions d’origine humaine. Le deuxième grand mythe, lancé pour la première fois en 1956 à Houston au Texas, par un employé de l'une des plus grandes compagnies pétrolières du monde1, a été dépoussiéré il ya 15 ans au début de l'Administration GeorgeW. Bush-Dick Cheney. Il fut appelé la théorie du Pic Pétrolier.

La bonne nouvelle est que nos villes côtières ne sont pas sur le point d'être emportée par les flots engendrés par la fonte des icebergs et la hausse des océans, ni nos approvisionnements en pétrole et gaz conventionnels (ou autres hydrocarbures et gaz assimilés) d’être taris pour encore des siècles voire plus. Cela n'a rien à voir avec l'extraction très dommageable et très coûteuse de pétrole emprisonnée dans les schistes, mais plutôt avec l'abondance de pétrole conventionnel dans le monde entier, dont une grande partie doit encore être découverte ou n’est même pas encore cartographiée.

Les découvertes les plus spectaculaires de nouvelles réserves de pétrole et de gaz au cours de ces dernières années sont venues de la Méditerranée, dans les zones au large de Chypre, d’Israël, du Liban et sont supposées s’étendre aussi jusqu’en Grèce. En 2010, Israël et la société de Houston, Texas, Noble Energy, a découvert le plus grand champ gazier offshore, Léviathan. Ce fut la plus grande découverte de gaz dans le monde sur la décennie, avec suffisamment de gaz pour pourvoir Israël pendant au moins un siècle. Les relevés géophysiques des zones offshore autour de la Grèce suggèrent que ce malheureux pays pourrait également avoir plus qu'assez de pétrole non découvert et de gaz pour rembourser la totalité de sa dette extérieure et plus encore. Sans surprise, les demandes du FMI mené par Washington, ont exigé de la Grèce la privatisation de ses compagnies d’Etat en matière pétrolière et gazière, une quasi-certitude que les grandes entreprises pétrolières occidentales pourraient alors s’établir comme ça a été le cas au cours des dernières décennies, jusqu'à l’arrivée à échéance des concessions en 2004 qui sont alors repassées au Gouvernement grec.

En 2006, Petrobras (Brésil) a fait la plus grande découverte de pétrole au large des côtes de ces 30 dernières années, détenant au moins 8 milliards de barils de pétrole dans le bassin de Santos, à 250 kilomètres de Rio de Janeiro. Le Président d’alors, Lula da Silva, a proclamé qu'il donnerait la « seconde indépendance » du le Brésil, celle-là vis-à-vis des importations pétrolières occidentales. En 2008 Petrobras, compagnie d'État, a aussi découvert un champ de gaz naturel de grande taille lui aussi, appelé Jupiter, à proximité de la découverte de pétrole « Santos ». Sous la présidence de Lula, le Parlement a adopté des mesures pour s’assurer que le développement du pétrole resterait en des mains brésiliennes sous l’égide de Petrobras, et non pas entre celles des « Majors » pétrolières étrangères, anglo-américaines ou autres. En mai 2013, après que Lula eut pris sa retraite et fut remplacé par Dilma Rousseff en tant que Présidente, le vice-président américain Joe Biden s’est envolé au Brésil afin d’y rencontrer à ses côtés les chefs de Petrobras. Selon des sources brésiliennes, M. Biden a demandé à Rousseff de supprimer ses lois qui empêchaient les Majors pétrolières américaines de contrôler ces énormes découvertes de pétrole et de gaz. Elle a poliment refusé, et peu après elle a été frappée avec une majeure déstabilisation américaine de type « Révolution de couleur », qui continue à ce jour, ce qui n’est pas étonnant, avec un scandale autour de Petrobras qui en est le coeur2.

Plus récemment l'Islande, se relevant de sa crise bancaire, a commencé sérieusement à rechercher en mer du pétrole et du gaz vers la Zone de fracture de Jan Mayen3, au nord du cercle polaire arctique en 2012. Les conditions géophysiques sont les mêmes que celles de la Mer du Nord, et un ancien haut fonctionnaire du gouvernement islandais m'a confié lors d'une visite il y a environ cinq ans, qu’un sondage géologique privé avait indiqué que l'Islande pourrait être une nouvelle Norvège. Selon l’Institut d'études géologiques des États-Unis (U.S. Geological Survey), l'Arctique pourrait contenir quelques 90 milliards de barils de pétrole, dont la plupart sont encore non exploités. La Chine a fait de l'Islande un partenaire clé, et les deux ont signé un accord de libre-échange en 2013 après que la compagnie chinoise CNOOC eut signé un accord de coentreprise (joint-venture) en 2012 afin d’explorer en mer (offshore).

En Avril 2015, la société britannique d'exploration dans le domaine des énergies Oil & Gas Investments a annoncé qu'elle avait foré près de l'aéroport de Gatwick et trouvé ce qu'ils ont estimé pouvoir atteindre 100 milliards de barils de nouveau pétrole. Par comparaison, la totalité de la mer du Nord a délivré quelque 45 milliards de barils en 40 ans4. De même qu’en mai la compagnie pétrolière britannique Rockhopper a annoncé une nouvelle découverte de pétrole dans les eaux contestées des îles Falkland au large de l'Argentine, censée contenir jusqu'à un milliard de barils de pétrole5.

A présent, en Août 2015, la compagnie pétrolière italienne ENI a annoncé la découverte d'un gisement de gaz supergéant au large de l’Egypte, le plus grand jamais trouvé dans la mer Méditerranée, plus grand que le « Léviathan » d'Israël. La société a annoncé que le champ pourrait contenir un potentiel de 850 milliards de mètres cubes de gaz pauvre6 sur une superficie d'environ 100 kilomètres carrés. Zohr devient ainsi la plus importante découverte de gaz jamais faite en Egypte et dans la mer Méditerranée.

Il y a d'énormes réserves inexploitées de pétrole et de gaz dans les Caraïbes, la zone d'un cratère d'impact qui a fait de nombreuses fissures et où trois plaques tectoniques actives se chevauchent. Haïti est l'une de ces régions, comme Cuba. En mai, le Gouvernement cubain a publié une étude qui a estimé que les eaux territoriales au large de Cuba renfermeraient quelques 20 milliards de barils de pétrole. La compagnie pétrolière de la Russie, Gazprom Neft, a déjà investi dans une section de ces eaux cubaines, et en Juillet 2014 la visite du Président russe Vladimir Poutine à La Havane avait vu l’annulation par la Russie de 90% de la dette cubaine de l'ère soviétique (pour une valeur de quelque 32 milliards de $). Igor Setchin, le PDG de Rosneft détenue par l’Etat russe, la plus grande la compagnie pétrolière du monde, avait alors signé un accord avec Cupet, la compagnie pétrolière d'Etat cubain, pour explorer conjointement le bassin large de la côte nord de Cuba. Cette participation de la Russie dans cet énorme effort cubain de recherche pétrolière, pourrait expliquer la ruée soudaine de l'administration Obama en vue de “réchauffer“ les relations avec Cuba.

Comment le pétrole est « né ».

L'explication communément acceptée par l'industrie pétrolière considère le pétrole comme une ressource finie, un soi-disant « combustibles fossile », d'origine biologique, qui a été créé des centaines de millions d'années auparavant par la mort des dinosaures dont les résidus organiques, par quelque procédé physique non encore identifié, se sont transformés en hydrocarbures. On clame ainsi que ces résidus biologiques concentrés se sont d’une quelconque manière enfoncés jusqu’au plus profond de la Terre (le forage [drilling] de pétrole le plus profond du monde, dans la région de Sakhaline en Russie, foré par Exxon, descend à plus de 12 kilomètres de profondeur. Là, on prétend qu’il a pu couler dans des poches souterraines appelées réservoirs. D'autres disent aussi que les algues, feuilles d'arbres et autres matières en décomposition biologique se sont ajoutées au processus.

Sauf que dans les années 1950, un groupe de scientifiques soviétiques a été chargé de rendre l'URSS autosuffisante en pétrole et en gaz, alors que Guerre froide se réchauffait. La première étape dans leur recherche fut d'étudier de façon critique toute la littérature scientifique sur les origines connues des hydrocarbures. Et tandis qu’ils examinèrent de plus près la théorie dite des combustibles fossiles quant à la formation du pétrole, ils furent surpris par son peu de rigueur scientifique. Un physicien estima ainsi que pour l'immense masse de pétrole sortant du puits géant de Ghawar, en Arabie Saoudite, il aurait fallu un « bloc » de dinosaures morts (en supposant une conversion de 100% des viandes et des os en pétrole), qui atteigne 30kms de largeur, profondeur et hauteur. Ils ont vite cherché d'autres explications à la naissance du pétrole...

Ils ont fait des tests exhaustifs dans les laboratoires de recherche sur les profondeurs de la Terre de l'armée soviétique, à Moscou. Ils ont alors développé l'hypothèse brillante que le pétrole puisse être constamment créé dans les profondeurs du manteau de la Terre. Il serait ensuite poussé vers la surface en passant par le lit de divers éléments comme la ferrite. Ils répétèrent leurs expériences en laboratoire et réussirent à produire des hydrocarbures à des conditions de chaleur et de pression imitant les conditions du manteau terrestre. Ces canaux de migration, comme les scientifiques soviétiques les appelaient, étaient des fissures dans le manteau causées sur des millions d'années par l’évolution de la terre, et formés par les énormes conditions de température et de pression à l'intérieur du manteau. Le chemin que prend le méthane initial vers le haut pour rejoindre la surface, détermine s’il émerge et est recueilli en tant que gaz ou pétrole, ou bien charbon, ou encore bitumes comme dans l'Athabasca Tar Sands au Canada, voire même comme des diamants qui sont également des hydrocarbures. Les scientifiques russes et ukrainiens ont également découvert, logiquement, que chaque champ pétrolifère géant était en fait "auto-remplissant", c'est-à-dire que du nouveau pétrole ou gaz était constamment poussé vers le haut depuis l'intérieur du manteau terrestre via les failles ou les voies de migration antérieures, remplaçant le pétrole déjà extrait. Ainsi de vieux puits de pétrole à travers la Russie qui furent pompés bien au-delà de leurs capacités naturelles au cours de la fin de l'ère soviétique, lorsque la production maximale fut considérée comme la plus haute priorité, ont ensuite été fermés, considérés comme épuisés. Et pourtant Vingt ans plus tard, selon les géophysiciens russes avec lesquels j’ai pu parler, ces puits "épuisés" ont été rouverts, et voilà qu’ils étaient complètement remplis avec du nouveau pétrole.

Les Russes ont testé leurs hypothèses jusqu’à nos jours, mais avec peu de soutien jusqu'à présent de la part de leur propre gouvernement, dont les compagnies pétrolières ont peut-être craint une surabondance nouvelle qui aurait fait s’effondrer les prix du pétrole. A l’Ouest, la dernière chose qu’Exxon et les autres grandes compagnies pétrolières anglo-américaine voulaient était de perdre leur mainmise de fer antérieure sur le marché mondial du pétrole. Ils n’avaient aucun intérêt à ce qu’existât une théorie contredisant la leur sur quant au pic pétrolier...

Aujourd'hui, une décision géopolitique de l'Arabie saoudite visant à balayer la récente émergence des Etats-Unis en tant que plus grand producteur mondial de pétrole, en raison de l'augmentation importante de la production de pétroles de schiste, a temporairement fait s’effondrer les prix mondiaux du pétrole : de plus de 100 $ le baril en Juillet 2014, à environ 43 $ aujourd'hui sur le marché américain. Il s’en est ensuivi une spectaculaire réduction de l’exploration pétrolière dans le monde entier. Dans un monde juste, pétrole ou de gaz devraient être disponibles à des prix abordables pour tous les pays, afin de servir leurs propres besoins énergétiques et non pas le monopole d'un petit cartel d'entreprises britanniques ou américaines. Bon à savoir est le fait que le pétrole et le gaz soient là en surabondance, et que nous ne devrons pas geler dans le noir ou nous tourner vers les moulins à vent jusqu'à ce qu’avec le temps l'humanité développe complètement différentes formes d'énergie qui seraient propres et écologiques. Les guerres pour le contrôle des prix du pétrole ou du gaz deviendraient alors un non sens idiot.

_____________________
1 Ce point fondamental est abordé dans « Pétrole, une guerre d'un siècle : L'ordre mondial anglo-américain » (Jean-Cyrille Godefroy, 2007, p.286 & s.) ; il est développé en détail dans « Myths, Lies and Oil Wars » (Edition Engdahl, 2012, à paraître en français).
2 « Biden's Brazil Focus Likely to Be Energy, Experts Say » (U.S. News, 28 mai 2013)
http://www.usnews.com/news/articles/2013/05/28/bidens-brazil-focus-likely-to-be-energy-experts-say
3 https://fr.wikipedia.org/wiki/Zone_de_fracture_de_Jan_Mayen
4 « Oil discovery near Gatwick airport 'significant' » (BBC News, John Moylan Industry, 9 Avril 2015)
http://www.bbc.com/news/business-32229203
5 Dans « Pétrole, une guerre d'un siècle... » (précité, p. 209 & s.), sont donnés des éléments d’arrière plan nécessaires pour comprendre les vraies raisons de la Guerre des Malouines (1982) 
6 https://fr.wikipedia.org/wiki/Gaz_pauvre

Back