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Les douleurs de l'enfantement d'une hégémonie en banqueroute

Les douleurs de l'enfantement d'une hégémonie en banqueroute

New Eastern Outlook
5 janvier 2016
Traduction par Jean-Maxime Corneille, article exclusif initial pour le magazine en ligne “New Eastern Outlook” 

Il y a un peu plus de sept décennies, lorsque les Nations Unies furent officiellement fondées à San Francisco, il n'y avait aucun doute dans le monde sur la question de savoir qui était la Grande Puissance d'alors, l'Hégémonie mondiale. Aujourd'hui, la situation s'est radicalement altérée au sévère désavantage de Washington, et de sa capacité à dicter ses termes au reste du monde en matière économique, politique, et concernant l'expression si grandement mal utilisée aujourd'hui : « les Droits de l'Homme et l'établissement de la Démocratie ». Sauf que ce désavantage pourrait ironiquement être une bénédiction déguisée pour nous tous.

En 1945, la Réserve Fédérale des États-Unis contrôlait l'écrasante majorité de l'or monétaire du monde. Alors que la guerre menaçait l'Europe en 1939, l'or européen afflua aux États-Unis à fin de sûreté. En 1935, les réserves officielles d'or américain étaient évaluées à quelque 9 Milliards $. En 1940 après le début de cette guerre en Europe, il avait bondi à 20 Milliards $. Tandis que les pays européens désespérés cherchaient à financer leur effort de guerre, leur or avait donc migré aux États-Unis afin d'y acheter des marchandises essentielles. Au moment de la conférence monétaire internationale de Juin 1944 à Bretton Woods, la Réserve fédérale des États-Unis contrôlait pleinement 70% de l'or monétaire mondial, ce qui constituait un avantage énorme dans ce qui allait devenir le système d'échange basé sur l'or [Gold Exchange] de Bretton Woods, dont le dollar américain serait le cœur1. Ceci n'incluait même pas l'or capturé des vaincus des Puissances de l'Axe défaites, l'Allemagne et le Japon, au sujet duquel les faits et données exactes ont été enterrées sous des couches de tromperies et des rumeurs jusqu'à aujourd'hui...

Pour mesurer la pleine ampleur de la crise interne et des dizaines de politiques étrangères auxquels Washington fait face aujourd'hui, il est utile de revenir à la nature du "triomphalisme" de l'immédiate Après-guerre, au sein des cénacles politiques américains, dans le sillage de leur propre émergence à l'occasion de la guerre.

Un "Empire Américain" émerge

Un penseur géopolitique influent du Siècle Américain Après-guerre, auquel on se réfère parfois en tant que "premier guerrier de la Guerre froide" [first Cold Warrior], fut James Burnham. Durant la guerre il avait été l'un des opérationnels du Renseignement du Gouvernement américain menés par Wild Bill Donovan2, appelé le Bureau des Services Stratégiques (Office of Strategic Services - OSS). Burnham était à la base l'un des nombreux marxistes trotskistes américains recrutés par le Renseignement américain. Après la guerre, Burnham migra de l'extrême gauche à l'extrême droite, à l'instar de son ancien camarade compatriote trotskiste, Irving Kristol, celui qu'on appelle le "Parrain des néocons". Burnham, aux côtés de William F. Buckley, fonda la National Review ultra-conservatrice afin de propager des missives anti-soviétiques de la Guerre froide, ainsi que de la propagande en faveur du marché libre, servant invariablement l'agenda de politique étrangère de la CIA et du Département d'Etat.

En 1947, Burnham écrivit un hymne majeur à la nouvelle puissance mondiale américaine, intitulé « La lutte pour le monde [The Struggle for the World3]». Ce livre était en fait une adaptation d'un mémo top secret de l'OSS, que Burnham avait préparé pour la délégation américaine se rendant à Yalta, au sujet de la stratégie géopolitique soviétique en 1944.

Burnham y décrivait dans les termes les plus positifs ce qu'il appelait « un Empire Américain qui sera, si ce n'est littéralement étendu aux monde entier dans ses limites formelles, du moins capable d'exercer un contrôle mondial décisif4». Voilà ce que le fondateur du magazine Time-Life, Henry Luce, avait appelé dans son éditorial du 17 février 1941 : "Le Siècle Américain [The American Century]". La vision de Burnham, et ses recommandations pour le contrôle américain du monde, était rigide et sans équivoque :

« les États-Unis ne peuvent pas, dans le temps qui leur est alloué, se placer à la tête d'un ordre politique mondial viable, uniquement en faisant appel à la conviction de façon rationnelle... la puissance doit être présente, avec une volonté notoirement connue d'en faire usage, que ce soit sous la forme indirecte de sanctions économiques paralysantes, ou par l'explosion directe des bombes. Ainsi la réserve ultime de puissance, seraient alors le contrôle monopolistique des armes atomiques5 »

La référence à « l'explosion directe des bombes » dans cette esquisse de Burnham, était un présage à la décision du président Truman d'août 1945, de procéder à un bombardement atomique du Japon : non pas afin de sécuriser la reddition japonaise qui était déjà acquise, mais plutôt afin de montrer à l'Union Soviétique, en même temps qu'à l'Europe de l'Ouest, quelle puissance régirait l'ordre du monde de l'Après-guerre. Le siècle Américain devait être une entreprise à prendre au sérieux. Car ainsi que Burnham l'avait dénoncé : « l'indépendance et la liberté sont après tout, des abstractions6 »...

Au sein de cet espace économique sous contrôle américain, englobant plus de 560 millions de personnes, c'était un vaste marché potentiel, au-delà même de l'énorme étendue de l'Empire britannique d'avant-guerre. Les Etats-Unis, deux ans à peine après l'énoncé de leurs ambitions d'Après-guerre, exerçaient là un extraordinaire pouvoir sur une grande partie du monde au sein d'un empire économique informel7. Elle le fit en utilisant les mécanismes des institutions de Bretton Woods (Banque mondiale et FMI), à travers son contrôle sur la politique économique de l'Europe occidentale via le Plan Marshall et l'Organisation basées à Paris, de Coopération et de Développement Economiques (OCDE). Un contrôle assuré par le rôle du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale et cœur de la finance mondiale, et surtout par l'entremise des banques majeures de New York et du cartel monétaire de Wall Street (au sein de la Réserve Fédérale), alliés aux fonctionnaires de Washington via le Département du Trésor des États-Unis.

En 1948, George Kennan, l'architecte de la politique américaine "d'endiguement" ["Containment"] de l'Union Soviétique durant la Guerre froide, énonçait dans un mémo interne du Département d'État des États-Unis, l'essence même de la mentalité de ces intérêts particuliers regroupés autour des frères Rockefeller et du Conseil de New York sur les Relations Etrangères (CFR), qui étaient alors occupés à définir l'empire informel américain émergeant. Ce mémo de Kennan résumait très succinctement l'ordre du jour de l'après-guerre quant à l'établissement de la puissance américaine:

« Nous disposons d’environ 50% de la richesse mondiale pour seulement 6,3% de sa population. Cette disparité qui est particulièrement grande entre nous et les peuples asiatiques ne peut que générer des sentiments d’envie et de rancœur à notre égard. Notre tâche primordiale dans la période à venir consiste à élaborer un type de relations qui nous permette de maintenir cette disparité sans mettre en péril notre Sécurité Nationale. Pour ce faire, il faudra nous dispenser de toute sentimentalité ou d’états d’âme ; et sur tous les dossiers, notre attention devra se concentrer sur nos intérêts nationaux immédiats. Il ne faut pas nous leurrer en pensant que nous puissions nous permettre aujourd’hui le luxe de l’altruisme et de la bienfaisance mondiale »
George F. Kennan,
Mémorandum de politique du Département d’Etat Américain, Février 19488.

Kennan résumait ainsi la réelle nature des politiques américaines d'après-guerre. Il était froidement honnête et réaliste quant aux buts réels d'Après-guerre des cénacles américains. Il s'agissait d'une domination américaine sur le monde, ou tout du moins aussi étendue qu'elle pouvait être conquise et tenue, en considérant la situation de 1948. Il s'agissait en fait de la "Grande Zone" [Grand Area] proposée par le CFR.

Depuis 1945, les États-Unis ont été impliqués formellement en tant que belligérant au sein de 22 guerres, majeures ou bien mineures, de la Corée au Vietnam, de la grenade au Panama jusqu'en Syrie et en Libye, des guerres qui visaient toutes à agripper et tenir cet empire mondial.

À présent, l'économie domestique des États-Unis est une coquille évidée : ses infrastructures de transport en état d'horrible déclin, sa main-d'œuvre qualifiée de plus en plus inexistante, ses étudiants en ingénierie et sciences proviennent en bonne partie de l'étranger (notamment Chine et Inde). Les États-Unis d'Amérique subissent les affres d'un déclin terminal, un déclin causé par personne d'autre que son propre peuple, qui toléra le pillage et la destruction d'une nation qui fut autrefois belle, par une cabale cupide et avide de pouvoir de mauvaises personnes comme Rockefeller, Gates, Russell, DuPont, Buffett et bien d'autres, dont les noms ne sont guère connus du grand public...

La crise à laquelle les États-Unis font face aujourd'hui en tant qu'Hégémonie mondiale, c'est le fait que la nation ait été mise en banqueroute, moralement, spirituellement, intellectuellement et économiquement, et ce d'une manière étrangement similaire à l'Empire britannique après le début de leur Grande Dépression de 1873.

Quelques indicateurs basiques en disent long sur les limites grandissantes de la projection de puissance mondiale de l'Amérique, et pourquoi les tactiques de brutes ["Bully"] de Washington sont de plus en plus méprisées par le reste du monde...

La dette américaine hier et aujourd'hui.

Aujourd'hui, contrairement au début de la Grande Dépression des années 1930, le Gouvernement de Washington doit faire face à un échelonnement de sa dette dont elle doit tenir compte, pour financer ses tentatives de plus en plus importantes de maintenir son contrôle global. À la fin Septembre 2016, le total combiné des dettes américaines de l'État fédéral, des Etats fédérés et des municipalités, aura probablement dépassé le montant impressionnant de 22,4 billiards $ (22,4 mille Milliards), dont 19,3 billiards de $ pour le seul Gouvernement fédéral. Si on ajoute la dette privée des entreprises et des ménages, les Américains sont redevables aujourd'hui d'un total impressionnant de 30 billiards de $. Il y a quarante ans, en 1974, la dette totale combinée (personnes publiques, entreprises, prêts hypothécaires, et dette des consommateurs) était de 2,2 billiards. Environ 50% de cette dette fédérale est aujourd'hui détenue par des pays étrangers, la plupart l'étant par la Chine et le Japon, la Russie et les Banques Centrales l'UE9.


Ce graphique de la Réserve Fédérale concernant la dette américaine totale, montre clairement quand et comment les États-Unis ont commencé leur déclin en tant que Grande Puissance qui se précipite actuellement.

La seule époque comparable, durant laquelle la dette fédérale américaine rapportée à son PIB, approchait son niveau actuel, ce fut en 1946 à la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsque son rapport Dette sur PIB atteignait 119 %. En 2014 le total des dettes publiques nationales et locales atteignit 120 % de son PIB.

Mais la différence entre 1946 et 2016, ne réside pas tant dans la comparaison des chiffres bruts. Les États-Unis étaient alors les vainqueurs dictant leurs termes aux vaincus. En 1946, Washington était au centre de la puissance mondiale. Le dollar américain était demandé partout, « aussi bon que l'or10». L'industrie américaine était la première mondiale en termes d'innovation et d'efficacité technologique. Detroit était le symbole mondial de la manufacture de voitures superbes et abordables, en produisant davantage qu'aucune autre nation au monde. La production d'acier américain était excellente. La recherche au sein des universités américaines n'avait pas de pareille dans le monde, aidée par l'afflux des scientifiques européens et autres réfugiés de guerre comme Albert Einstein. La plupart de ce que l'on appelait alors le « monde libre » se pressait sous le parapluie nucléaire américain qui devint l'OTAN. Il fallait alors accepter de payer un lourd prix pour ce parapluie...

Fausser les chiffres, ce n'est pas une reprise…

Aujourd'hui, quelque 45 ans après l'abrogation unilatérale par le Président Nixon du Traité de Bretton-Woods, déclarant que la Réserve Fédérale mais changerait plus les dollars américains détenus à l'étranger contre de l'or, l'économie réelle des États-Unis est un capharnaüm. De temps en temps, j'ai relevé les mensonges absurdes et politiquement motivées qui passent pour être "des statistiques économiques officielles du Gouvernement américain." Elles se sont successivement empirées, depuis les premières ruses mensongères ordonnées par le Président Lyndon Johnson, afin de cacher la dette américaine qui flambait à la fin des années 1960, à l'époque de la guerre du Vietnam.

Selon les calculs largement respecté de l'économiste John Williams sur le site Shadow Government Statistics11, le véritable niveau du chômage américain véritable en Novembre 2015, aura été de 22,9%, en incluant les "travailleurs découragés sur le long terme" (ceux qui furent définis en 1994 comme étant en dehors d'une existence officielle). Nous sommes ici loin du niveau fantaisiste du Ministère du travail [Labor Department ] d'Obama avec 5% de chômeurs. Un cinquième de la population active sans emploi, c'est un niveau qui ne fut précédemment atteint au cours du siècle dernier que durant la Grande dépression des années 193012.

Les estimations ajustées de John Williams concernant le chômage, expliquent une donnée qui serait autrement curieuse, révélée sans plus d'élaboration par le même Gouvernement américain, concernant le nombre d'« américains en âge de travailler qui ne travaillent pas ». Aujourd'hui officiellement, plus de 100 Millions d'Américains au-dessus de l'âge de 16 ans ne travaillent pas. Ce n'est pas parce qu'il attendent sur une plage en découpant des bons de réduction sur leurs obligations à 0 % d'intérêt. C'est bien parce qu'il n'y a pas d'emplois pour eux ; il n'y a pas de futur économique pour eux dans l'Amérique d'aujourd'hui. Beaucoup de jeunes gens commencent même à considérer que combattre dans les guerres de Washington est une option qui donne au moins une paye solide13. Ceci est en train de transformer de fait les États-Unis en une "nouvelle Sparte", une nation guerrière qui prospère sur le sang. Ce n'est pas très sain.

Les plus touchés sont les jeunes diplômés des lycées ou facultés, ils s'ajoutent ces dernières années aux populations en âge de travailler : moins de 4 sur 10 parviennent à trouver un emploi. En tant qu'économiste, Stephen Moore a relevé que « pour trois Américains s'ajoutent à la population en âge de travailler de 16 ans et plus, seule un seul nouvel emploi (1,07) a été créé durant l'ère Obama. À ce rythme-là, l'Amérique va bientôt officiellement avoir un taux de chômage à zéro. Mais cela sera uniquement par ce que plus personne ne va rechercher un emploi14». Sous l'empire des définitions du Ministère du Travail américain, ces "non cherchants" n'existent pas parce qu'ils ont abandonné. Trrrrrrès intelligent comme raisonnement, Messieurs du Bureau des Statistiques du Travail [Bureau of Labor Statistics] !

La crise américaine des mal-logés.

L'Allemagne et la Suède ont leur crise des réfugiés, en tant que résultat direct des guerres instiguées par les États-Unis : de l'Afghanistan à l'Irak puis en Libye et à présent en Syrie. Les États-Unis, pourtant, connaissent eux aussi une crise humaine d'une nature assez différente : le nombre croissant des personnes sans-domicile.

Tandis que croît le nombre de chômeurs aux États-Unis, autant que durant la Grande Dépression, aujourd'hui le nombre de cités explose, dans lesquelles le nombre de sans-abri a atteint des proportions de crise.

Au sein de la cité de Californie autrefois prospère, Los Angeles, existe une zone de 50 blocs d'immeubles en centre-ville surnommé Skid Row15, qui est décrite comme le « pire désastre fait de main d'homme aux États-Unis ». Plus récemment, Portland (Oregon), Denver (Colorado), Seattle (Washington), de même que dans l'État tout entier d'Hawaï, ont été les dernières collectivités publiques à prendre des mesures d'urgence drastique afin d'essayer d'endiguer ce problème qui se répand des populations sans logement16.

A présent, c'est même la capitale de la nation, Washington D.C., aux côtés de 22 autres cités, en face à ce nombre dramatique de personnes à la rue. À Washington DC, ce nombre a augmenté de 28 %, et le nombre de familles mises à la rue de 60 % durant l'année passée. Chicago (Illinois), Baltimore (Maryland), Philadelphie (Pennsylvania) et San Francisco (Californie) souffrent également des mêmes problèmes...

De mauvaises priorités nationales.

Les racines de la crise, résident dans une nation qui est menée par des présidents, généraux, membres du congrès corrompu, qui se prostituent eux-mêmes au sein d'un cloaque de corruption sans fin. Aucun groupe n'excelle davantage dans cette corruption officielle que le Pentagone américain, et ses liens incestueux avec le Complexe Militaro-Industriel corrompu.

Le récent engagement militaire de la Russie en Syrie, a attiré l'attention du monde entier y compris à Washington, quant au niveau de précision et de sophistication de l'Armée russe nouvellement réorganisée, démontrant par les armes que les forces aériennes russes déployées semblent surclasser celles de leurs homologues américains. Il y a un domaine dans lequel cependant les États-Unis n'ont pas d'équivalent : il s'agit de la corruption à l'occasion des contrats militaires...

En 2014, le journal des forces armées américaines, Stars and Stripes, rapportait ainsi que « bientôt trois décennies après que les contribuables américains aient craché des sièges de toilettes à 640 $ et bien d'autres dépenses militaires jetées par les fenêtres durant la Guerre Froide, le Département de la Défense demeure le dernier Ministère fédéral qui soit toujours incapable de réaliser un audit financier, en dépit de lois adoptées durant les années 90 qui exigent de lui qu'il rende compte de ses dépenses ».

L'article continue ainsi : « en d'autres termes, l'appareil militaire américain s'est transformé en un trou noir, dans lequel des milliards de dollars des contribuables ont disparu, sans aucune preuve de comment, quand et à qui cet argent a bien pu aller. Le fait est que le Gouvernement américain à présent, sous-traite presque tout à des compagnies privées (qui dépensent collectivement des milliards de dollars en influence [lobbying]), et ceci est particulièrement vrai dans tout ce qui touche de près ou de loin au Pentagone.17»

Un journaliste autrichien, Einar Schlereth, dans une récente analyse publiée par Sputnik News, comparait l'état du système d'industrie militaire russe avec son homologue américain, remarquant que « le système russe des dépenses militaires et diamétralement opposé au système américain. Tandis que les États-Unis ont privatisé leurs industries militaires, en Russie elles sont en des mains étatiques. Tous les profits tirés des armes vont au Gouvernement russe, et pas pour grossir ceux des multinationales. Les manufactures d'armes sont [effectivement] une partie du Gouvernement18. De la même manière qu'aux États-Unis, il n'y a pas de comptes-rendus financiers de leurs opérations, mais la grande différence est qu'il y existe des rapports financiers qui sont relus chaque année par le Ministre de la défense, et au-dessus de lui par le Président de la Fédération de Russie et le Premier ministre : c'est-à-dire par des personnes qui sont responsables devant leurs électeurs, et non pas uniquement face à une aristocratie de gros actionnaires »

De récentes estimations par la société Américaine des ingénieurs civils, ont établi les besoins des infrastructures nationales américaines déliquescentes, à 3,6 billiards $ afin de rebâtir ou de remplacer les antiques infrastructures concernant l'eau, l'électricité, les autoroutes, les chemins de fer, les égouts... ceci incluant plus de 10 % des ponts qui sont défectueux, un tiers des autoroutes nationales, aéroports, trottoirs... dans cette situation, il serait intéressant de voir la réaction des votants, si Donald Trump ou un autre candidat à la présidentielle américaine avait le courage et la salubrité d'esprit de suggérer une redéfinition des priorités économiques nationales, loin de l'idée de faire la guerre contre la Russie, la Chine, la Syrie, et de forger plutôt des socs à partir des "glaives" dorées explosant le budget du Pentagone...

Nous aurions dû faire ceci dès 1990, lorsque l'Union soviétique cessa d'exister en tant qu'adversaire. Ainsi doivent être comprises les douleurs de l'enfantement d'une hégémonie américaine aujourd'hui en banqueroute.

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1 Phillip Cagan, Determinants of Change in the Stock of Money: 1875-1960, New York, 1965, Columbia University Press, p. 341.
2 NDT : William Joseph Donovan. Voir : « Wild Bill Donovan: The Spymaster Who Created the OSS and Modern American Espionage » (Douglas Waller, Free Press, 2012). «Douglas Waller's "Wild Bill Donovan," on the OSS spymaster » (Washington Post, 27 février 2011).
3 The Struggle for the World, New York, John Day Company, 1947. Traduction française « pour la domination mondiale », éditions Calmann-Lévy, 1947, collection "liberté de l'esprit"dirigé alors par Raymond Aron (dont on découvrira plus tard les liens avec l'Intelligence Service britannique).
4 James Burnham, The Struggle for the World, 1947, John Day & Co., New York, pp. 188, 193-195.
5 Ibid., pp. 193-195.
6 Ibid., p. 201.
7 NDT : sur cette notion d'empire informel, voir l'ouvrage de l'auteur : « Pétrole, une guerre d'un siècle » (éditions Jean-Cyrille Godefroy, 2007, chapitre 1).
8 George F. Kennan, Policy Planning Study, PPS/23 : Review of the Current Trends in U.S. Foreign Policy, Memorandum by the Director of the Policy Planning Staff (Kennan) 2 to the Secretary of State and under the Secretary of State (Lovett), in Foreign Relations of the United States, Washington DC, 24 Février 1948, Volume I, pp. 509-529 (estampillé "top secret" puis déclassifié plus tard). Cité par F. William Engdahl dans « Gods of Money: Wall Street and the Death of the American Century », Wiesbaden, 2008, p. 249) et auparavant par Luis M. González-Mata dans l'exceptionnel « Les vrais maitres du monde » (Paris, Éditions Grasset & Fasquelle, 1979).
9 Christopher Chantrill, US National Debt and Deficit History, http://www.usgovernmentdebt.us/
10 Référence à la livre sterling au XIXe siècle, voir l'ouvrage de l'auteur : « Pétrole, une guerre d'un siècle » (précité, chapitre 1).
11 NDT : "Shadow Government" = tradition d'origine britannique d'un "Gouvernement fantôme", permettant en cas de crise politique un remplacement rapide du Gouvernement par le parti opposé (dans le cadre d'un système bipartite). Par extension, l'expression "Shadow Government Statistics" concerne donc des statistiques issues d'un "Gouvernement fantôme", doublant les statistiques officielles du gouvernement (en l'occurrence il s'agit d'un organisme indépendant).
12 John Williams, Alternate Unemployment Charts, Shadow Government Statistics, http://www.shadowstats.com/alternate_data/unemployment-charts.
13 NDT : évolution d'une situation déjà accentuée depuis l'ère Bush Jr., où le fait de s'engager dans l'Armée allait permettre ensuite de financer des études...
14 Stephen Moore, 100 Million Americans Not Working!, July 07, 2015, http://townhall.com/columnists/stephenmoore/2015/07/07/100-million-americans-not-working-n2022050
15 "Skid Row" : littéralement "rangées de marginaux / alignement de gens en train de glisser/déraper".
16 Carol Adl, Major US Cities In States Of Emergency Over Homeless Crisis, December 27, 2015, http://yournewswire.com/major-us-cities-in-states-of-emergency-over-homeless-crisis/
17 Travis J. Tritten, Decades later, military still unable to account for its spending, Stars and Stripes, May 13, 2014, http://www.stripes.com/news/decades-later-military-still-unable-to-account-for-its-spending-1.282860
18 Einar Schlereth, US Military Outclasses Russias in Only One Area Corruption, Sputnik News, 26 December, 2015, http://sputniknews.com/us/20151225/1032316215/us-army-corruption.html#ixzz3vRVXYaMv.

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